Un héritage viticole contrasté, entre Méditerranée et collines

De prime abord, Marseille n’affiche pas la démesure des grandes régions viticoles françaises – pas de mers de vignes comme dans le Bordelais, ni d’appellation racoleuse sur toutes les lèvres. Pourtant, avec plus de 2 500 hectares de vignes recensés dans l’aire métropolitaine (Vignerons en Provence), la cité phocéenne garde bien vivante une tradition remontant à l’Antiquité. Son climat chaud mais tempéré par la brise marine, ses sols de calcaire et de galets roulés, invitent des cépages robustes, aptes à la résistance naturelle.

La sélection des cépages s'est affinée : ceux qui s’épanouissent sans chimie lourde, dans des conditions parfois rudes, sont rois chez les vignerons naturels du secteur. Le tout, avec ce soupçon de grain de folie typiquement marseillais, qui encourage la redécouverte de variétés anciennes ou marginales !

Les blancs : fraîcheur et minéralité en bord de Méditerranée

Clairette : la fierté effacée de Provence

Historiquement cultivée sur les coteaux provençaux depuis le Moyen Âge, la Clairette (Clairette blanche, surtout) joue souvent les seconds rôles dans les assemblages, mais elle gagne une reconnaissance grandissante en vin nature. Trapu et résistant à la sécheresse, ce cépage s’épanouit sur les sols calcaires du terroir marseillais. Résultat : une expression aromatique fine (fleurs blanches, poire, amande fraîche), marquée par une belle tension minérale qui fait merveille sur les cuvées vinifiées sans intrants.

  • Surface nationale (2020) : env. 2 800 ha (FranceAgriMer)
  • Maturité : précoce à moyenne, bonne résistance à la chaleur
  • Style en vins naturels : vins secs, parfois légèrement perlants, longue finale saline

Astuce de dégustation : goûtez une Clairette nature accompagnée d’anchoïade, c’est le soleil dans votre verre !

Ugni blanc : l’incontournable caméléon

Souvent mal-aimé pour sa présence massive dans des vins de base ou le Cognac, l’Ugni blanc prend une revanche éclatante à Marseille et alentours, surtout quand il est vinifié en nature. Il offre des profils légers, citronnés, avec une acidité désaltérante : parfait pour compenser la générosité solaire du terroir local. On le retrouve en assemblage aussi bien qu’en monocépage, dans la mouvance actuelle de vins digestes et ciselés.

  • Surface nationale (2021) : 84 000 ha (source INAO – INAO), surtout dans le sud
  • Particularité : le cépage de la polyvalence

Rolle (Vermentino) : la star montante

Envie d’un blanc expressif, minéral, et avec une sacrée personnalité ? Le Rolle, appelé aussi Vermentino en Corse et en Italie, devient incontournable chez les vignerons nature de la région marseillaise. Aromatique (pomme, agrumes, fenouil sauvage – on reste local !), il donne des vins à la texture ample mais rafraîchissante, parfaits pour accompagner les belles soirées à rallonge du sud.

  • Surface nationale : env. 5 000 ha, surtout en Provence et Corse
  • Atout nature : excellent comportement en bio, sensible à l’oxydation donc vinifié souvent avec précaution

Anecdote sympathique : plusieurs vignerons naturels du secteur collectent encore à la main les fameux fenouils poussant près de leurs parcelles, tant leur parfum rappelle celui du Rolle bien mûr !

Les rouges : du fruit, de la structure, du caractère

Mourvèdre : l’âme sauvage des vins sudistes

Impossible d’évoquer les rouges naturels marseillais sans rendre hommage au Mourvèdre. Taillé pour les terres chaudes, ce cépage tardif aime le soleil mais aussi l’influence maritime pour se tempérer. Il donne des vins profonds, charpentés, avec des notes de fruits noirs, d’épices, de cuir et une finale parfois saline, toute en longueur. Emblématique des grandes cuvées de Bandol, il s’acclimate parfaitement sur les sites naturels autour de Marseille, à condition de respecter ses cycles longs et exigeants.

  • Surface nationale (2020) : env. 9 200 ha (source Entre Vignes)
  • Résistance : naturellement robuste contre la sécheresse et les maladies
  • En nature : apport de fraîcheur, complexité, tanins fins sans extraction lourde

Petit clin d’œil local : dans la majorité des vins naturels du coin, le Mourvèdre est rarement utilisé seul, mais il relève puissamment les assemblages avec Grenache ou Carignan.

Grenache : la générosité à l'accent du sud

Le Grenache, cépage des grands soleils méditerranéens, brille par son intensité fruitée : cerise noire, fraise confite, parfois pointe d’olive. Il séduit nombre de vignerons nature pour sa vigueur, sa rusticité contrôlée et sa capacité à donner du "gouleyant", sans lourdeur.

  • Surface nationale : près de 90 000 ha, surtout dans le Sud (source : Vitisphere)
  • Intérêt en nature : peu sensible aux maladies, adaptation facile au non-interventionnisme

Soupçon de technique ? Dans les cuvées nature, on limite souvent les extractions, pour que le Grenache exprime sa fraîcheur plutôt que sa puissance.

Carignan : l’enfant terrible réhabilité

Voici un cépage longtemps jugé « rustique », voire ingrat, et pourtant… Le Carignan retrouve ses lettres de noblesse à Marseille, là où on sait dompter ses ardeurs. Avec sa récolte tardive et ses rendements autrefois démesurés, il a nourri jadis des vins… disons, musclés. Mais en mode nature (rendements maîtrisés, vendanges manuelles, macérations courtes), il révèle un fruit intense (prune, mûre, violette), un grain de tanin soyeux, et une énergie toute méditerranéenne.

  • Surface nationale : env. 66 000 ha (source : FranceAgriMer)
  • Particularité : parfait pour les sols arides, bonne résistance à la chaleur une fois bien mené

Le grand retour du Carignan dans les cuvées nature donne souvent des flacons gourmands, légers, à partager sans modération… mais toujours avec respect pour le travail du vigneron !

Cinsault : la touche charmeuse

Impossible d’ignorer le Cinsault, pilier des côtes provençales, aussi à son aise en rouge léger qu’en rosé. Dans les vins naturels, il sert souvent de colonne vertébrale aux cuvées à la fois fruitées et pimpantes, grâce à ses arômes de fruits rouges croquants (framboise, groseille) et sa présence plus soyeuse que tannique.

  • Surface nationale : env. 21 000 ha, essentiellement en Provence et Languedoc
  • Qualités pour nature : vendangé tôt, faible teneur en alcool, expressive fraîcheur

Fun fact : certains vignerons naturels de la région vinifient même le Cinsault en macération carbonique, pour des vins juteux et joyeux à souhait.

Rosés et couleurs… pour aller plus loin

À Marseille, les rosés naturels font partie de la fête – difficile de résister à un verre sur une terrasse au soleil. Les recettes ? Grenache, Cinsault – parfois Rolle et Ugni blanc pour les rosés de pressurage direct ‒ sont omniprésents. Les assemblages varient selon les micro-climats, les envies des vignerons, mais un principe reste : exprimer le fruit, la fraîcheur, avec un maximum de naturel.

Sans oublier les essais de variétés anciennes (comme l’Aramon ou le Muscardin) ou les cépages oubliés sortis des archives de l’INRA, que certains artisans ressuscitent en mode expérimental, pour redonner du peps à la biodiversité locale.

Abrégé de cépages atypiques et résistants, en mode découverte

Le vin naturel à Marseille, c’est aussi une histoire d’exploration et de biodiversité. Si la Clairette, le Rolle ou le Mourvèdre tiennent le haut de l’affiche, les vignerons nature, toujours curieux, recollent parfois aux origines en plantant des variétés quasi disparues ou en favorisant des croisements naturels. Quelques exemples :

  • Bourboulenc : cépage blanc à l’acidité vivace, qui aide à équilibrer certains assemblages nature
  • Piquepoul noir : aux accents de fruits rouges et de poivre, de plus en plus rare
  • Tibouren : la Provence dans sa version la plus confidentielle – parfait en rosé nature, avec sa touche d’herbes de garrigue

Selon l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin), la plantation de cépages résistants ou oubliés s’accélère depuis 2018, portée par la transition vers des modes viticoles durables et l’envie de sortir des sentiers battus.

Le mot de la fin… ou plutôt, l’appel à la curiosité

Clairette, Mourvèdre, Rolle, Cinsault, Carignan, Grenache… voilà le cœur battant des vins natures autour de Marseille. Ces cépages témoignent de l’intelligence d’adaptation des vignerons régionaux. Mais si les classiques rassurent, l’audace des artisans locaux pousse aussi à s’ouvrir à de nouveaux assemblages, à explorer les micro-productions, à s’éloigner des étiquettes convenues.

Le vin naturel marseillais, c’est une halte sur le passé, une ode à la biodiversité et une invitation à la découverte. À la prochaine dégustation, pourquoi ne pas questionner le vigneron sur ses cépages, ses petites parcelles secrètes, ou sur la folle histoire d’un cépage presque disparu ? C’est souvent là que commence la vraie aventure, verre en main, sourire aux lèvres.

Sources :

  • FranceAgriMer, INAO, IFV, Entre Vignes, Vignerons en Provence, Vitisphere, BIVB, Inter Rhône, sites des vignerons locaux de Marseille

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