Panorama Viticole dans la Région de Marseille : Bien Plus qu’un Éternel Rosé

Marseille n’est pas une région viticole au sens strict du mot, mais c’est un épicentre de dégustation où convergent les flacons des Bouches-du-Rhône, de l’arrière-pays provençal, et de la célèbre appellation Cassis. Sa proximité avec la Méditerranée, ses coteaux escarpés et sa diversité de microclimats ont permis, au fil des siècles, de conserver des pieds de vigne parfois oubliés ailleurs. La montée en puissance du vin naturel a redonné vie à certains d’entre eux, portés par le souffle aventurier de vignerons décidés à renouer avec des variétés indigènes ou marginalisées.

  • Près de 20 cépages différents sont cultivés dans les zones autour de Marseille, incluant des variétés locales traditionnelles et quelques « importations » surprises (source : Inter Rhône).
  • Dans le département, la viticulture biologique et naturelle a doublé en moins de 10 ans, encourageant l’expérimentation et la sauvegarde de cépages moins conventionnels (source : Fédération Nationale d'Agriculture Biologique, 2023).

Pourquoi les Vignerons de Vin Naturel Misent-ils sur les Cépages Oubliés ?

Produire du vin naturel, ce n’est pas seulement laisser faire la nature en cave. C’est aussi, pour beaucoup, le plaisir retrouvé de remettre à l’honneur des variétés adaptées au terroir et à l’évolution du climat. Ces cépages rares sont souvent plus résistants aux maladies : idéal quand on utilise peu ou pas d’intrants.

  • Meilleure adaptation au climat méditerranéen : Leur rusticité fait merveille sous le cagnard !
  • Protection de la biodiversité : Planter des variétés oubliées, c’est protéger le patrimoine viticole et multiplier les profils aromatiques.
  • Offre gustative originale : Ces cépages signent des vins singuliers, loin des stéréotypes, parfaits pour la philosophie du vin naturel.

Résultat : on redécouvre des saveurs disparues, on s’écarte du goût international… et on ouvre de sacrés sujets de conversation lors des apéros.

Sélection de Cépages Méconnus Présents dans les Vins Naturels à Marseille

Parlons concret ! Voici quelques cépages qui, loin d’être des mascottes de la carte postale, vibrent discrètement dans les vins naturels des alentours.

Tibouren : Le Discret Corsaire de la Méditerranée

  • Cépage rouge originaire du Var, le Tibouren s’épanouit à l’Est de Marseille, en particulier vers Cassis et Bandol.
  • On le croise dans certaines microcuvées « vin naturel », où il apporte fraîcheur, notes de fraise, herbes séchées, et des accents salins qui font swinguer les papilles.
  • Moins de 0,5 % du vignoble provençal est planté en Tibouren (source : FranceAgriMer, 2023), mais on sent l’engouement repartir à la hausse.

Téoulier (ou Teoulier) : Le caméléon à redécouvrir

  • Cépage blanc provençal quasi disparu, il fleure bon les collines du Sud.
  • En vin naturel, il révèle des parfums d’agrumes, de fleurs blanches et une finesse reconnaissable entre mille.
  • Quelques vignerons audacieux dans l’arrière-pays marseillais persistent à le maintenir en vie, notamment dans des microparcelles vieilles de plus de 60 ans.

Bourboulenc : L’Atout Fraîcheur Sous le Soleil

  • On connaît le Bourboulenc dans les assemblages classiques, mais en mono-cépage naturel, il joue la carte de la fraîcheur, de l’anis et du zeste de citron.
  • Utilisé surtout autour de Cassis et La Ciotat, sa culture reste d’actualité grâce à ses rendements modérés et sa résistance aux grandes chaleurs.
  • Les vignerons nature aiment ses notes minérales et sa capacité à offrir des blancs étonnamment tendus (source : École du Vin d’Avignon).

Terret Noir et Terret Gris : Les Cousins “Fantômes”

  • Ces anciens cépages languedociens, jadis plantés jusqu’aux portes de Marseille, connaissent un timide retour sous l’impulsion du mouvement nature.
  • Le Terret Noir donne des rouges légers, éthérés, avec une touche de poivre blanc ; le Gris brille dans des blancs secs, miellés et sapides.
  • À peine 150 hectares subsistent en France, tous usages confondus (source : Observatoire des Cépages Rares).

Caladoc : L’Intrus qui Prend Racine

  • Cépage issu d’un croisement grenache-malbec dans les années 1950, rarement vinifié seul… sauf chez quelques iconoclastes de la région marseillaise.
  • Souvent produit sans soufre, le Caladoc en vin nature charme grâce à sa robe intense et à des arômes de framboise, réglisse et épices douces.
  • Sa résistance naturelle au mildiou fait d’ailleurs des envieux parmi les bios.

Carignan Blanc : L’Alter Ego Rare

  • Souvent éclipsé par son grand frère rouge, le Carignan blanc cache des trésors aromatiques.
  • Les rares vignes du secteur Nord de Marseille produisent en nature des vins puissants, au fruit éclatant, très prisés par certains bars à vin branchés (source : Le Figaro Vin, 2022).
  • Moins de 300 hectares exploités en France, et une partie très marginale en Provence.

Les Micro-Cuvées et Initiatives Locavores à Marseille : Où Déguster Ces Raretes ?

Si la plupart des cuvées issues de ces cépages sont confidentielles (on parle parfois de moins de 500 bouteilles/an), Marseille et ses alentours regorgent de caves et de restos où se vivent ces expériences gustatives uniques.

  • La Part des Anges (Marseille 1er) propose régulièrement des “petites bombes naturelles” issues de vignerons pratiquant le Tibouren, le Terret et parfois le fameux Téoulier.
  • Chez Maîa B. (Cave à Saint-Barnabé), la sélection fait la part belle aux mono-cépages de Bourboulenc et de Carignan blanc.
  • Fantasico (La Plaine), épicerie-bar à vins, reçoit des microcuvées de Terret Gris et Noir de producteurs à moins de 40 km de la ville.
  • Beaucoup de vignerons vendent en AOC Coteaux-d’Aix ou IGP Méditerranée pour garder l’esprit libre et oser ces cépages inattendus.

La clé pour goûter ces trésors ? Être curieux, discuter avec les sommeliers, oser demander ce qu’ils ont “sous le comptoir”.

Au-Delà de la Mode, un Retour aux Racines

La résurrection de ces cépages atypiques n’est pas qu’un effet de mode. Elle traduit une prise de conscience sur le respect du terroir, la nécessité d’innover sans perdre de vue l’histoire, et offre de nouveaux horizons aux amateurs lassés des goûts standardisés. De nombreux chercheurs (INRAE, 2023) insistent sur l’importance de ce patrimoine génétique pour l’avenir de la viticulture, notamment face au réchauffement climatique.

  • Ces cépages sont souvent moins gourmands en eau, un atout décisif dans la région marseillaise toujours à la limite de la sécheresse.
  • Ils permettent de dessiner de nouveaux accords mets-vins régionaux, à explorer avec les produits iodés, les légumes méditerranéens ou les fromages locaux.
  • Ils forgent une identité marseillaise du vin naturel, mêlant audace, convivialité et engagement écologique.

Pistes pour Curieux et Aventuriers du Goût

Les vignerons, comme les cavistes et bistrotiers marseillais, sont de plus en plus enclins à faire goûter ces raretés lors de soirées-dégustation ou dans le cadre de salons spécialisés (Ne manquez pas “Printemps du Vin Naturel” au Palais Longchamp !). N’hésitez pas à poser des questions, à « sortir du cadre », et pourquoi pas à partir à la rencontre des producteurs : ils ont des histoires à raconter sur chaque pied de vigne replanté.

La prochaine fois que l’on vous proposera un vin naturel de Marseille à base de Tibouren ou de Téoulier, ouvrez grand vos papilles : vous goûterez peut-être un petit morceau d’histoire… et un immense pari sur l’avenir du vin.

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