Grenache, cœur battant du vin naturel marseillais : une histoire passionnante de goût et de terroir

Le monde du vin naturel, c’est avant tout une aventure humaine et un retour aux racines. Parmi les stars incontournables des vignobles marseillais et plus largement du bassin méditerranéen, un cépage mène la danse : le Grenache. En Provence comme dans le Languedoc ou la vallée du Rhône, ce cépage incarne une véritable mémoire vivante du Sud. Son histoire est l’une des plus fascinantes du vignoble, mêlant résistances anciennes, saveurs de garrigue et créativité sans limites des vignerons d’aujourd’hui.

• Origines espagnoles du Grenache : avant de conquérir la Méditerranée française, il aurait vu le jour en Aragon (la région, pas la boisson !).
• Arrivée en France dès le Moyen Âge, favorisée par le climat sec et chaud du pourtour méditerranéen.
• On le retrouve aujourd’hui sur plus de 95 000 hectares en France, majoritairement dans le sud-est (source : FranceAgriMer).

Ce cépage est à l’image de la Provence et de Marseille : généreux, solaire, toujours prêt à faire la fête… ou à surprendre. De la tradition à la révolution du vin naturel, le Grenache porte à lui seul une richesse aromatique inimitable qui fait vibrer les verres et les cœurs.

Parlons pratique ! Pourquoi les vignerons naturels de la région marseillaise chérissent-ils tant le Grenache ? Voici plusieurs arguments imparables qui font de ce cépage une pièce maîtresse :

• Résistance à la chaleur et à la sécheresse : Le Grenache aime le soleil ! Ses baies épaisses et sa capacité à résister à la sécheresse, fréquente dans la région, en font un allié précieux pour des cultures raisonnées et respectueuses de la nature (Vin & Société).
• Adaptabilité des sols : Que la vigne pousse sur des galets roulés, de l’argile, du calcaire ou même du schiste, le Grenache s’accommode de tout avec une excellente régularité de production.
• Potentiel naturel pour la vinification sans intrants : Ses tanins fondus et sa belle maturité permettent des vinifications minimalistes, chères à l’esprit du vin naturel, sans recourir à des ajouts de soufre ou autres stabilisants (La Revue du Vin de France).

À Marseille et dans ses environs, où l’on recherche des vins expressifs, digestes et francs, il n’est pas étonnant que ce cépage prédomine.

Le Grenache est un vrai caméléon du palais. En rouge, en rosé, voire en vin blanc (merci le Grenache blanc et gris !), il sait tout faire. Loin d’être monolithique, il offre une palette aromatique qui séduit par sa fraîcheur et sa gourmandise.

• En rouge : arômes de fruits rouges mûrs (cerise, fraise, framboise), parfois des notes de réglisse, d’épices ou d’herbes de Provence. Légèrement poivré, toujours juteux.
• En rosé : belle fraîcheur, puissance aromatique, rondeur en bouche. Idéal pour les longues soirées d’été sur le Vieux-Port !
• En blanc et gris : on le trouve de plus en plus dans des assemblages innovants, donnant des vins salins et onctueux.

Cette polyvalence plaît énormément aux artisans du vin naturel, toujours en quête d’authenticité et d’audace, mais soucieux de conserver l’harmonie du terroir.

Pas de vin naturel sans pratique respectueuse de la vigne. Voici comment le Grenache s’intègre parfaitement à la philosophie du vin nature :

1. Faible besoin d’intrants grâce à son équilibre naturel : il permet d’abaisser la dose de sulfites, voire de s’en passer totalement.
2. Sensibilité modérée aux maladies : même si le mildiou n’est jamais très loin en année pluvieuse, le Grenache résiste assez bien à l’oïdium et autres fléaux.
3. Accentuation des spécificités du terroir marseillais : le Grenache transmet pureté et minéralité sans maquiller le goût du sol.

Dans la mouvance "vin vivant", la tendance est de laisser parler le raisin. Or, avec le Grenache, pas besoin de masquer : les arômes s’expriment sans fard, avec un éclat qui ravit amateurs et professionnels.

Côté géographie, Marseille et ses alentours réunissent tous les atouts pour offrir à ce cépage un terrain de jeu rêvé :

• Méditerranée omniprésente : brise marine qui tempère la chaleur, évite la surmaturité et garde la vivacité de la baie.
• Sols variés : calcaire à Cassis, argilo-calcaires à Bandol, galets roulés vers Aubagne – le Grenache s’en accommode et sublime le terroir.
• Ensoleillement exceptionnel : plus de 2 800 heures de soleil par an sur la région marseillaise (source : Météo France)
• Vendanges précoces : début fin août, début septembre. Un atout pour éviter les excès d’alcool tout en préservant le fruit.

Contrairement à certaines régions, où la vigne peut souffrir d’excès de sucre ou de maturité, les nuits fraîches sur les collines marseillaises offrent au Grenache une belle vivacité et un équilibre remarquable pour les vins naturels.

• À Marseille et sa périphérie, on estime que plus de 40 % des nouvelles plantations en vin naturel comportent du Grenache Noir (source : Syndicat des Vins Naturels de PACA).
• Le premier « bar à vin naturel » marseillais, La Part des Anges, a vu passer plus de 300 cuvées différentes à base de Grenache entre 2010 et 2023.
• Des domaines emblématiques comme le Château de Roquefort ou le très nature La Vallongue signent des cuvées 100 % Grenache qui s’exportent même à l’étranger, notamment vers le Japon et la Scandinavie (Le Point, 2022).
• Le Grenache est le cépage le plus présent dans l’appellation Côtes de Provence Sainte-Victoire qui s’est engagée récemment sur une charte environnementale exigeante (Vitisphere, 2023).

Un vigneron de Trets confiait récemment : « Sans le Grenache, c’est toute notre identité qui partirait à vau-l’eau ! »

Bien sûr, aucune route n’est sans embûches. Pour les acteurs du vin naturel, le Grenache doit relever plusieurs défis :

• Le changement climatique : si le Grenache résiste bien, des épisodes de sécheresse extrême peuvent menacer la régularité des récoltes (source : INRAe, 2022).
• Mode de conduite de la vigne : l’enherbement naturel et la vendange manuelle sont incontournables, mais la pression foncière sur les terres autour de Marseille rend parfois le travail difficile.
• Recherche d’authenticité : face au succès grandissant, attention à ne pas tomber dans l’uniformisation des goûts ! Les meilleurs vignerons naturels de Marseille misent sur la diversité parcellaire et de modes de vinification pour préserver l’originalité du Grenache local.

Plusieurs projets de conservation des vieilles vignes de Grenache voient le jour dans la région, avec, par exemple, la récupération de parcelles centenaires sur les hauteurs de la Sainte-Victoire ou dans les calanques – véritables trésors pour perpétuer ce patrimoine vivant (source : CIVP).

Si le Grenache fait tant parler de lui à Marseille, c’est qu’il a su devenir bien plus qu’un cépage : un vecteur de convivialité, de créativité et d’ouverture au monde. Il irrigue les caves et les bars à vin naturel qui, ces dernières années, se multiplient dans la cité phocéenne, du Panier jusqu’au cours Julien.

Que l’on déguste une bouteille dans un restaurant étoilé ou sur une terrasse ensoleillée, entre amis après un bain dans les calanques, le Grenache marseillais sait rendre chaque moment unique. Pour accompagner une bourride, une bouillabaisse végétarienne ou une simple tapenade, il trouve toujours sa place, sans jamais écraser. C’est un vin de partage, un vin à part, qui continue d’insuffler au vin naturel marseillais cette énergie décomplexée, franche et vivante qui fait tout son charme.

Pour aller plus loin :

• FranceAgriMer : statistiques et études sur les cépages
• La Revue du Vin de France : dossiers Grenache et vin naturel
• INRAe - Dossiers sur l’adaptation des cépages au changement climatique

Le Grenache n’a pas fini de raconter de belles histoires à Marseille, dans les verres comme dans les cœurs, et la scène du vin naturel local n’a pas fini de s’en nourrir.